Edmond Rostand et la villa Arnaga, la concrétisation d’un monde imaginaire
Edmond Rostand est un écrivain, dramaturge, poète et essayiste français né le 1er avril 1868 à Marseille.
En 1897, alors âgé de 29 ans, il accède à la renommée grâce à sa pièce intitulée « Cyrano de Bergerac » qui triomphe dès la première représentation au théâtre de la Porte-Saint-Martin à Paris.
Quelques années plus tard, en 1900, Edmond Rostand souffre pendant les répétitions de sa nouvelle pièce « l’Aiglon » – pièce consacrée à la vie tragique du fils de Napoléon Ier. Avec pourtant à l’affiche la grande Sarah Bernard, travestie dans le rôle principal de l’Aiglon, et Constant Coquelin – le créateur du personnage de Cyrano -, Edmond Rostand n’est pas satisfait du jeu des comédiens, se fatigue et finit par attraper une pleurésie. Au lendemain de la première, Edmond Rostand doit arrêter tout activité pour se faire soigner. Son médecin traitant lui recommande les soins d’un collègue installé à Cambo-les-Bains, petite commune du Pays Basque à quelques kilomètres de la frontière espagnole.
Il y loue pendant quelques mois une villa de convalescence et tombe alors amoureux du Pays Basque et de sa nature luxuriante. L’air frais et la pureté des eaux basques lui font grand bien. Lors d’une promenade, Rostand s’éprend d’un vaste terrain où coule le ruisseau Arraga – « eau qui coule sur les pierres », en français. Le poète au tempérament exalté décide d’acheter le terrain et l’aménage de 1903 à 1906 pour y faire construire sa propre villa : la villa Arnaga – Rostand prêtait aux deux r une sonorité trop dure et fit changer le r en n, tout simplement.
Cette demeure, Edmond Rostand l’a entièrement imaginée et conçue dans ses moindres détails.
Une maison de style traditionnel néo basque de 40 pièces, 600 mètres carrés et une façade de quatre niveaux ornés d’un jeu de colombages de couleur rouge « sang de boeuf » propres aux maisons basques.
Faire entrer la nature dans les pièces, ouvrir de grandes baies de tous côtés, dessiner des loggias, des balcons destinés à « prendre l’air », tel était le nouveau programme de l’architecture néo-basque dont s’inspire l’architecte français Albert Touraine commandité par Edmond Rostand pour bâtir sa demeure.
Mais la villa Arnaga tient sans doute sa féerie à ses deux jardins : un jardin à la française composé d’une magnifique pergola ouvrant sur d’immenses parterres de fleurs prolongés par plusieurs bassins, beauté de la géométrie parfaite, et un jardin à l’anglaise, véritable forêt à la végétation libre et épaisse.
Si le premier répond à l’excellence du poète, à sa maîtrise parfaite de l’alexandrin et à son goût du panache, le second fait écho à sa nature cachée, une nature profonde et tourmentée, éprise d’un idéal de bonheur libre et de fraternité. On devine que c’est également là, dans ce cadre de nature à l’abris des mondanités parisiennes, que son fils Jean Rostand, futur biologiste célèbre, y puise et nourrit son amour pour les sciences naturelles.
Sur une plaque au-dessus de la porte d’entrée sont gravés ces mots de Rostand :
« Toi qui viens partager notre lumière blonde
Et t’asseoir au festin des horizons changeants,
N’entre qu’avec ton cœur, n’apporte rien du monde
Et ne raconte pas ce que disent les gens. »
Edmond Rostand écrit dans sa villa pendant plusieurs années sa dernière pièce « Chantecler ». S’appuyant sur l’esprit des fabulistes, il décrit à travers des animaux de basse-cour les vices et les passions de la société parisienne. La critique se montre hostile aux idées émancipatrices de l’auteur et la pièce rencontre un maigre succès. Rostand ne fera alors plus jouer de nouvelles pièces.
Il meurt, âgé de 50 ans, le 2 décembre 1918 de la grippe espagnole.
Au cours de sa vie, il est fait commandeur de la Légion d’honneur et est élu à l’Académie française le 4 juin 1903.
On doit à Rostand et à sa villa Arnaga une magnifique démonstration de l’œuvre de l’imagination créatrice ou de « l’hétérotopie », concept forgé par Michel Foucault en 1967 dans une conférence intitulée « Espaces autres ». Ce sont ces espaces concrets qui hébergent l’imaginaire comme une cabane d’enfant ou un théâtre.
Ne pouvons-nous pas nous aider de Rostand, et de son idéalisme en action, pour montrer la nécessité aujourd’hui d’encourager l’utopie pratique et de construire collectivement nos mondes imaginaires…?
« Je ne sais pas très bien ce que c’est que le monde, Mais je chante pour mon vallon, en souhaitant Que dans chaque vallon un coq en fasse autant. Chanter, c’est ma façon de me battre et de croire, Et si de tous les chants mon chant est le plus fier, C’est que je chante clair afin qu’il fasse clair! » (« Chantecler » – Acte II, scène III).